Balade en pays de Cocagne

BALADE EN PAYS DE COCAGNE

En ce jeudi de mai et plus précisément, le seizième du mois, la troupe vagabonde du Temps d'un Café s'en était allée, joyeusement, au gré des routes occitanes, entre Albigeois et Lauragais sous les premiers rayons d'un Phœbus gaillard, avec un projet d'aventures en pays tarnais…

Mais, d'abord, installez-vous confortablement et laissez-moi, maintenant, vous narrer tout cela en détails.

Nous sommes donc partis visiter ces charmantes cités de Sainte Sulpice fraîchement agrémentée d'une "Pointe" rappelant à tous ces estrangers de passage que le Tarn et l'Agout se rejoignent au nord de ce territoire en formant une "pointe", et de Lavaur, castrum formé vers le IX° siècle autour d'un château construit sur l'éperon du Plô (petit plateau) dominant l'Agout.

Les cœurs étaient fort enthousiastes dans la perspective de pouvoir s'espanter devant ces merveilleux paysages chargés d'histoire, foustiquer au gré des ruelles fleurant le bon vivre local, et toupiner dans un restaurant admirablement bien choisi par Annie Mathieu, grande gastronome émérite.

Cette gaieté ambiante n'était pas usurpée, tant les découvertes savamment présentées par une guide "à poutouner" furent nombreuses et parfois sublimes.

Nous avons ainsi fait une première halte dans un Office du Tourisme accueillant où nous attendaient boissons chaudes ou froides, selon les goûts, agrémentées de quelques petits gâteaux qui régalaient les papilles tandis que nous déambulions entre les étals de documentations touristiques, témoins du caractère remarquable de la région.

 C'est au son de l'accent tarnais bien prononcé de notre guide  que nous avons pris possession de  l'histoire tumultueuse de ces cités qui ont vu passer moult épisodes guerriers, de l'épopée cathare avec la croisade des albigeois et Simon de Montfort aux Guerres de Religion successives qui virent catholiques et protestants s'affronter sans merci. Ces deux cités étaient de véritables places-forte aux puissantes défenses, bastions du catharisme languedocien à l'époque médiévale.

 

 

La première visite fut pour St Sulpice, au confluent du Tarn et de l'Agout, une bastide du XIII° siècle, avec son château, hélas en ruines, son souterrain médiéval et son église du XIV° siècle ; ce village nous dévoile un passé riche en histoires : À la fin des années 1200 le conseiller de Raymond VII, le Sieur Sicard Alaman, créa cette bastide primitivement entourée de fossés puis ceinte, par la suite, de remparts fortifiés dans le contexte de la Guerre de Cent ans.Le site le plus impressionnant est sans nul doute ce fameux souterrain médiéval, haut lieu local chargé d'histoire que nous avons pris plaisir à visiter en écarquillant des yeux ébahis : imaginez-vous dans un couloir long de 142 mètres à hauteur humaine  où il fait invariablement 14°, été comme hiver, avec des parois régulières, noircies par le suif qui brûlait dans de petites niches taillées dans la pierre en guise d'éclairage; nous avons traversé des salles de vie, des silos, des points d'eau, et même une petite chapelle, dans une atmosphère mystérieuse et envoûtante.

Lieu de défense à l'origine, ce souterrain servit ensuite au stockage et à la conservation des denrées alimentaires. Aujourd'hui c'est un lieu de visite restauré et aménagé pour le plaisir des yeux de visiteurs en mal de sensations.

Et quelle ne fut pas notre surprise d'entendre l'histoire de cette Jeanne de Boulogne "faux monnayeur" des temps anciens à la vie trépidante et tumultueuse… Sorte de "jardinier d'Argenteuil", incarné par Jean Gabin au cinéma, qui voulait arrondir ses fins de mois.

    Autre particularité remarquable de ce lieu : un superbe pigeonnier à chapeau de gendarme, un parmi les   1700 de la région, rescapé de la terrible inondation de 1930 qui vit l'Agout déborder et monter jusqu'à 21m50 de hauteur ! La rivière en furie léchant les abords de l'ancien château construit au sommet de la colline, juste au-dessus du fameux souterrain.

 

 

 

 

 

Un joli film sur le pastel et son histoire locale nous fut présenté, après cette promenade en sous-sol, expliquant la culture de "l'Isatis Tinctoria", nom latin du pastel, qui prospérait sur des terres enrichies par les fientes des milliers de volatiles qui peuplaient les pigeonniers, sa récolte et les nombreuses étapes de la fabrication de cette teinture bleu-pâle qui procura prospérité et abondance au pays de cocagne. La cocagne est cette boule de feuilles de pastel des teinturiers façonnée à la main et séchée pour en faciliter la commercialisation depuis la fin du Moyen-Âge.  Le musée des vieux métiers nous a fait revenir à l'ancien temps des barbiers coiffeurs, chapeliers, menuisiers, et autres chausseurs-cordonniers. Bref instant de nostalgie bien agréable par ces temps agités où tout va si vite aujourd'hui.

Les émotions ont cette caractéristique d'aiguiser les appétits, et il était grand temps de remonter dans notre car et partir en direction de Lavaur, deuxième étape de notre journée, pour nous rassasier. Dans un grand parc arboré et fleuri d'iris que certains ont fort appréciés, la vaste bâtisse du restaurant "Fort Sainte Anne" à Massac, nous accueillait avec une charmante hôtesse aux petits soins, les tables joliment agencées, l'apéro servi généreusement avec quelques amuse-gueules, et nous poursuivions bien vite sur une assiette de produits locaux des monts de Lacaune délicieux, suivie d'un tournedos de volaille et ses légumes de saison, le tout arrosé de crus occitans fort gouleyants. Le final de "dame tatin" vanillée était grandiose.

Et il était déjà l'heure de retrouver notre guide du matin pour attaquer la place de Lavaur du meilleur pied, et il en fallait un bon de pied, car nous avons déambulé de-ci de-là au travers de ruelles pittoresques, admirant ici une église Saint Françoiset sa façade en briques ornée d'un portail gothique à colonnette surmontée d'une petite galerie intégrée dans les maisons qui la bordent, ancienne église du couvent des cordeliers; l'intérieur est superbement décoré de peintures polychromes

                                                                               

                 

Là des maisons caractéristiques avec colombages, encorbellements et autres pontets qui nous font remonter bien loin dans le temps.

L'esplanade du Plô nous offrait une magnifique vue sur l'Agout et, de là, nous nous sommes transportés jusqu'à la Cathédrale Saint Alain, superbe chef-d'œuvre de l'architecture gothique méridionale tout en briques avec une nef unique bordée de chapelles avec une abside du 14ème siècle et un puissant clocher de la fin du 15ème siècle et agrémenté d'un jacquemart en bois, troisième du nom aujourd'hui.

L'intérieur de la cathédrale polychrome est richement décoré de gothique flamboyant,

     

doté d'une table d'autel romane exceptionnelle de 750kg qui trône devant le chœur, ornée de motifs iconographiques en frise rappelant la table d'autel de Saint Sernin. L'orgue qui surplombe la nef est du 19ème siècle, inséré dans un splendide buffet en bois polychrome datant du 16ème siècle.

L'ensemble des murs et voûtes à l'intérieur de la cathédrale donne un décor grandiose à l'ensemble.  

Magnifique journée bucolique et studieuse, à l'issue de laquelle chacun est reparti joyeux et content.

Merci aux organisatrices dévouées de nous avoir mitonné cette si jolie sortie, on en redemande !   

Jean-Noël

 

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